Que de faux prétextes !

Selon le Washington Post du 1 décembre 1998, le "ministre turc chargé des Droits de l'Homme" (poste ministériel crée pour déguiser le régime militaire turc en démocratie), Hikmet Sami Turk aurait déclaré à propos des Kurdes : "D'abord ils veulent l'autonomie culturelle, puis l'autonomie politique et ensuite il s'agirait de l'indépendance kurde. Ceci est totalement inacceptable".

Cette déclaration est une reconnaissance implicite, de la part d'un haut responsable turc, que le pays est très loin des normes démocratiques. En effet, comment peut-on refuser de reconnaître les droits les plus essentiels du peuple kurde (les droits d'expression, de diffusion et d'éducation en langue kurde) en donnant le prétexte que ces droits conduiraient à la revendication d'autres droits qui menaceraient l'intérêt national turc ?. Cet intérêt n'est-il pas aussi de vivre en paix avec les peuples voisins afin d'assurer une prospérité sociale et économique ?

De faux prétextes se retournerons toujours contre l'intérêt national turc. Dès le début de l'histoire de l'Etat "moderne" turc, en 1923, les autorités turques défavorisèrent volontairement le développement social et économique les provinces kurdes de "Turquie", nom qui fût donné à ce nouveau pays à cette date, de peur qu'ils représentent un poids économique et pensant que ce poids les amèneraient à revendiquer l'application du Traité de Sèvres (1920). Ce Traité, signé par les alliés et l'empire ottoman à la suite de la premièêre guerre mondiale, préconisait l'autonomie, puis l'auto-détermination pour les provinces kurdes.

Ce sont précisément ces faux prétextes qui ont empêché une fusion progressive entre la culture turque et la culture kurde pour, à long terme, ne constituer qu'une seule culture. Le rêve des nationalistes turcs, celui d'avoir un pays avec une seule ethnie, une seule langue et une seule culture s'évapore à cause de ces faux prétextes. Et le seul homme politique turc ayant pris conscience de ces erreurs, le Président Turgut Ozal qui, à la fois, entreprit un développement économique des provinces kurdes et se montra prêt à dialoguer et négocier avec les organisations kurdes mourut dans des conditions mystérieuses le 17 avril 1993. Mais le Kemalisme, comme le Nazisme et le Stalinisme, aura tôt ou tard sa fin et l'intérêt de tous est que ce soit le plus tôt possible.

© Roni KEVIR, décembre 1998

Pour en savoir plus sur le Traité de Sèvres :

Cliquez Ici