La négation des Kurdes en Turquie

Le peuple Kurde est en voie de désespoir, il est piétiné par la machine économique mondiale. Cette machine piétine tout ce qui se trouve sur son passage. Les valeurs économiques n'ont pas pitié des valeurs humaines. Aujourd'hui, ma crainte est qu'un jour je puisse avoir honte de mes origines Kurdes. En effet, un peuple dont on nie sauvagement l'identité risque un jour de défendre son identité sauvagement. Si aujourd'hui le peuple Kurde ne nie pas l'identité du peuple Turc, on ne peut pas dire qu'il en sera ainsi pour toujours. Une guerre sans fin risque d'empoisonner la vie du peuple Turc et celle du peuple Kurde. Chaque balle tirée par les militaires de la Turquie dans sa région Kurde fait reculer la Turquie d'un pas. Elle fait avancer d'un pas sa population vers l'extrémisme, perturbe d'un cran son économie et noircit son histoire d'une tache de plus.

Toute culture a son intérêt et sa raison d'être, ne serais-ce que pour la conservation des traces de l'histoire. Un autre intérêt est la possibilité de synergie entre cultures. Ainsi, la combinaison ou la coopération de deux cultures produisent plus de richesses (au sens large) que si elles restent séparées. L'exemple de l'enrichissement de la langue Turque par la langue Kurde est très significative. La langue Turque originelle n'ayant pas de mot pour désigner une semaine (« hafta » en Turc), elle s'est inspirée du mot « hefte » (semaine en kurde) qui est une extension de « heft » qui veut dire sept en kurde (« yedi », en Turc). Cet exemple, parmi tant d'autres (mercredi, jeudi etc., par un processus similaire) montre que la langue Turque s'est enrichie, de vocabulaire calendaire, au contact de la langue Kurde.

A l'évidence, nier un tel degré d'enrichissement, c'est nier l'histoire de sa propre langue. En conséquence, même une armée de révisionnistes ne peut venir à bout d'un tel acquit historique. Il ne s'agit pas de « simplement » dissimuler des preuves matérielles, il s'agit, ici, d'empêcher toute transmission matérielle (écrite, dessinée, gravée etc.), orale et même électromagnétique (les ondes sont déjà dans le cosmos !). Autant reconnaître que c'est une tache inhumaine; ni réalisable, ni acceptable et ni respectable par les humains. D'autre part, nier une culture (sa langue, son folklore, son histoire etc.), c'est renoncer à son potentiel de richesse.

Les descendants des responsables actuels de cette obsession et ceux de toute la population sauront, un jour, la vérité. L'héritage empoisonné qu'ils auront les rendra bien peu fiers de leurs ancêtres. La Turquie n'a aucun intérêt à alimenter la machine économique en question, car seuls quelques pilotes auto-élus la dirigent et au profit d'un nombre d'individus très limité. Elle est aidée financièrement, uniquement dans le but de nourrir cette machine; faire des achats auprès de ses financiers, et notamment des achats d'armes. Cette machine passe actuellement par le Moyen-Orient et a besoin d'une prise de courant et d'un gardien a proximité pour fonctionner. Le jour ou elle se dirigera vers le Caucase, seule la nouvelle prise de courant et le nouveau gardien auront de l'importance. La Turquie a tout intérêt a développer sa propre organisation économique et culturelle, dirigée par un élu du peuple et au profit de toute sa population. Une organisation économique et culturelle basée non pas sur un modèle extérieur, mais sur les richesses du pays et la diversité de sa population.

© Roni KEVIR, avril 1998